Recep Tayyip Erdogan : "Les balles qui visaient Hrant Dink nous ont tous atteints"

Publié le par Famagouste

La plus grande trahison" : l’émotion, le choc et la honte se lisaient samedi dans la presse turque au lendemain de l’assassinat du journaliste d’origine arménienne Hrant Dink, abattu de deux balles dans la tête devant les locaux de son journal à Istanbul. Le gouverneur de la ville a lancé un appel à témoins, diffusant des photos du principal suspect, pour l’heure introuvable.

"Hrant Dink c’est la Turquie", proclamait le gros titre du quotidien "Milliyet", évoquant celui que les nationalistes avaient accusé d’être un traître, un ennemi de la nation turque, parce qu’il avait dénoncé un génocide arménien en 1915-1917. "Le meurtrier est un traître à la nation", renchérissait "Hurriyet", tandis que "Sabah" résumait le meurtre comme "la plus grande trahison".

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s’est exprimé à trois reprises au moins sur la mort de Hrant Dink à la télévision nationale. "Les balles qui visaient Hrant Dink nous ont tous atteints", a-t-il affirmé samedi. Dans les heures qui ont suivi l’homicide, le chef du gouvernement a dépêché à Istanbul ses ministres de l’Intérieur et de la Justice pour superviser l’enquête.

Samedi matin, le gouverneur d’Istanbul Muammer Guler a lancé un appel à témoins en diffusant des photos du principal suspect. Elles montrent un jeune homme d’une vingtaine d’années ou un peu moins, au visage anguleux, portant une fine moustache et vêtu un bonnet blanc et une veste en jean. Sur l’un des clichés, il marche apparemment tranquillement, alors qu’un autre le montre visiblement en train de courir et semble-t-il de coincer une arme à sa ceinture.

Agrandies et retravaillées, les photos, prises par une caméra de sécurité dans la rue où Hrant Dink a été tué vendredi après-midi de deux balles dans la tête, sont suffisamment nettes pour permettre une identification. Les chaînes de télévision turques ont immédiatement diffusé les clichés avec le numéro d’appel.

M. Guler a précisé que les autorités tentaient de déterminer si le meurtrier avait agi seul ou appartenait à un groupe.

Le gouverneur a aussi tenté d’écarter toute accusation visant la police en expliquant que Hrant Dink n’avait jamais officiellement demandé de protection policière et ne bénéficiait donc pas de protection rapprochée. "Seules des précautions générales en matière de sécurité avaient été prises", a-t-il dit, alors que des journalistes turcs connus sont couramment placés sous protection policière et se déplacent dans Istanbul entourés de gardes du corps.

Comme nombre d’intellectuels turcs, dont le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, Hrant Dink avait été poursuivi pour insulte à la nation au titre du décrié article 301 du code pénal pour avoir déclaré que le massacre des Arméniens en 1915-1917 était un génocide. La Turquie refuse de reconnaître le génocide reconnu par plusieurs pays dont la France et n’a pas de relations diplomatiques avec l’Arménie frontalière.

Les poursuites médiatiques intentées contre Hrant Dink en avaient fait un personnage connu en Turquie, un symbole de la communauté arménienne. Les Turcs l’avaient vu s’effondrer fin 2005, pleurer à la télévision en évoquant son dernier procès et la haine que lui vouaient une partie de ses compatriotes. Mais il disait vouloir rester en Turquie dans l’espoir que la cour européenne des droits de l’Homme, qu’il avait saisie, se prononce en sa faveur.

Publié dans Dans la presse

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